Le plus célèbre journaliste français (1884-1932) est décédé dans des conditions mystérieuses au cours de l’incendie d’un bateau, le « Georges Philippar », en plein Océan Indien. Peut-être la vision du journalisme qu’il expose dans cette citation prise et reprise par toutes les biographies (Les Editions de Londres s’excusent de leur manque d’originalité) apporte-t-elle un peu de lumière aux circonstances tragiques qui accompagnent la mort du journaliste et écrivain ? « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » Aux Editions de Londres, cette phrase nous semble si juste, nous inspire tellement qu’elle se retrouvera sûrement en page d’accueil un jour prochain.
Inutile de le dire, le choix d’Albert Londres comme troisième auteur publié (dans notre chronologie) n’est pas innocent. Hormis le clin d’œil aux fans de pirouettes sémantiques, voilà bien quelqu’un qui avait le courage de ses idées. De plus, Les Editions de Londres considèrent (peut-être sans originalité) que l’évolution du journalisme depuis trois décennies est assurément un des instruments de la manipulation des masses, ou comme le dit Noam Chomsky, « Manufacturing consent ».
Rien de plus éloigné des idéaux d’Albert Londres. Quel homme admirable ! Quel écrivain ! Quand vous lirez ses ouvrages au fur et à mesure que les Editions du même nom les publient, vous vous en rendrez compte : un humour mordant, une humanité qui déborde le cadre des pages dans laquelle l’esprit s’égare et se mobilise, un sens du rythme et de l’histoire
D’ailleurs, le déclin des valeurs du journaliste s’est aussi accompagné de la disparition d’un qualificatif beaucoup plus proche de la mission que s’était donnée Albert Londres, le grand reporter. Il y aurait une théorie de l’information à écrire, sur les traces d’Albert Londres. Le grand reporter serait ainsi celui d’une époque où l’homme se tourne vers les autres, où son énergie vitale est centrifuge. L’homme moderne est constamment dans une logique de l’analyse de l’extérieur par rapport à soi. Les réseaux sociaux en sont le meilleur exemple : on ne communique jamais avec l’autre que pour un bénéfice personnel. On est entrés dans une logique centripète
Il y a un peu de Tintin chez Albert Londres, un mélange entre l’idéalisme de Don Quichotte et la détermination du Scottish Terrier. Alors, si Albert Londres avait vécu de nos jours, qu’aurait-il fait ? Il n’aurait jamais accepté d’être un de ces journalistes connus. (Les Editions de Londres considèrent que la seule façon d’être un journaliste connu et de garder le respect de soi-même c’est de suivre l’exemple de Mika Brzezinski déchirant le sujet sur Paris Hilton ; d’accord c’est la fille de Zbigniew, et ça aide pour la confiance en soi…). S’il avait vécu de nos jours, il aurait été reporter, il aurait eu un blog, il aurait posté des articles sur Wikipedia.
Dans "Visions orientales", il nous révèle certains aspects du colonialisme en Orient, dans "La Chine en folie", il décrit le chaos de la Chine des années vingt, dans "Terre d’ébène" il dénonce les horreurs de la colonisation en Afrique, dans Le Juif errant est arrivé il décrit la situation des Juifs en Europe centrale et orientale avant la guerre, dans Dante n’avait rien vu il dénonce les conditions de Biribi en marchant sur les pas de Georges Darien, dans "L’homme qui s’évada" ou Adieu Cayenne !, il demande la révision du procès de Dieudonné, de la Bande à Bonnot…Mais son coup de maître reste le reportage-livre avec lequel Les Editions de Londres commencent la publication des œuvres de Londres, Au bagne.
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